Le problème de la valeur de la
Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946
Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946
Par LÊ MỘNG NGUYÊNMembre de l’Académie des Sciences d’Outre- mer
Dans les Etats occidentaux et
particulièrement en France depuis 1789, on a tendance à annoncer la
doctrine politico-sociale présidant à l’activité des gouvernants dans un
document appelé Déclaration de droits ou Préambule, dont la valeur juridique
pose encore des problèmes aujourd’hui. C’est le problème de la valeur de la
Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946. Examinons tout d’abord le problème
de la valeur de la Déclaration de 1789 sous la Troisième République Française de
1875 à 1946. On sait que la Constitution de 1875 n’est pas précédée d’une
Déclaration de droits. La question est par conséquent de savoir si sous la
Troisième République, la Déclaration de 1789 continue d’avoir une valeur
de droit ou non. La question oppose les partisans de la thèse de la survivance
juridique de la Déclaration de 1789 à ceux qui préconisent sa non-survivance.
I. La thèse de la survivance
juridique de la Déclaration de 1789.
A) L’argumentation des premiers repose sur la dissociation entre Déclaration et Constitution. Ils ne contestent pas le fait qu’une révolution tend avant tout à abolir les règles constitutionnelles existantes. Par conséquent, la Constitution de 1791 n’a pu survivre à la Révolution de 1792 (abolition de la royauté et proclamation de la République). Cependant, comme la Déclaration est dissociée de la Constitution, la première a pu survivre en dépit de la disparition de la seconde. Pour les partisans de cette thèse, les principes de 1789 ont une valeur supra-constitutionnelle. C’est la position adoptée par Léon Duguit et Maurice Hauriou : Les principes de 1789 doivent avoir une valeur supérieure à la Constitution, sinon comment auraient-ils pu survivre à une Révolution dont le premier objectif fut précisément d’abolir la Constitution existante (en l’espèce celle de 1791). B) À l’argument de Duguit et Hauriou, il est très facile de riposter : certes, cet argument parait ingénieux mais il faut bien convenir qu’en droit positif, aucune règle n’est supérieure à la Constitution. Les règles constitutionnelles, étant l’expression du souverain, ne se trouvent soumises à aucune autre règle (le pouvoir constituant). Seules les règles de droit naturel sont supérieures à la Constitution (parce qu’étant antérieures)… Mais par définition même, elles n’ont aucun caractère obligatoire, donc aucune valeur en droit positif.
A) L’argumentation des premiers repose sur la dissociation entre Déclaration et Constitution. Ils ne contestent pas le fait qu’une révolution tend avant tout à abolir les règles constitutionnelles existantes. Par conséquent, la Constitution de 1791 n’a pu survivre à la Révolution de 1792 (abolition de la royauté et proclamation de la République). Cependant, comme la Déclaration est dissociée de la Constitution, la première a pu survivre en dépit de la disparition de la seconde. Pour les partisans de cette thèse, les principes de 1789 ont une valeur supra-constitutionnelle. C’est la position adoptée par Léon Duguit et Maurice Hauriou : Les principes de 1789 doivent avoir une valeur supérieure à la Constitution, sinon comment auraient-ils pu survivre à une Révolution dont le premier objectif fut précisément d’abolir la Constitution existante (en l’espèce celle de 1791). B) À l’argument de Duguit et Hauriou, il est très facile de riposter : certes, cet argument parait ingénieux mais il faut bien convenir qu’en droit positif, aucune règle n’est supérieure à la Constitution. Les règles constitutionnelles, étant l’expression du souverain, ne se trouvent soumises à aucune autre règle (le pouvoir constituant). Seules les règles de droit naturel sont supérieures à la Constitution (parce qu’étant antérieures)… Mais par définition même, elles n’ont aucun caractère obligatoire, donc aucune valeur en droit positif.
II. La thèse de la non-survivance :
A) Elle est soutenue notamment par Carré de Malberg et Esmein : « …Mais… de deux
choses l’une : ou bien la Déclaration de 1789 faisait partie intégrante de la
Constitution de 1791, et en ce cas, elle a disparu avec cette constitution. Ou,
au contraire, elle était distincte de l’acte constitutionnel… Mais alors, elle
n’avait plus que la portée dogmatique d’une Déclaration de vérités
philosophiques, ou plutôt, elle se ramenait à l’énoncé de concepts de droit
naturel, qui ont bien pu inspirer la Constitution de 1791 et dont la grande
influence sur la formation du droit public français est, à cet égard,
indéniable, mais qui ne sauraient être considérés comme des prescriptions
juridiques ayant l’efficacité de règles de droit positif… » (R. Carré de
Malberg, Contribution à la théorie générale de l’Etat, 1922, T. II, p. 579 et
s.). B) Des précisions seront utiles pour l’éclairage de la question : 1.- Les
partisans de cette thèse distinguent entre la Déclaration des droits et la
garantie des droits. Ainsi la Déclaration se borne à constater purement et
simplement le droit naturel. Il s’agit d’un énoncé de vérités évidentes par
elles-mêmes. 2.- Pour eux, seule la garantie incluse dans le corps même de la
Constitution insère les libertés dans le droit positif : Ils invoquent l’article
16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie
des droits n’est pas assurée… n’a pas de Constitution. » Le Titre I de la
Constitution de 1791 aura précisément pour objet d’organiser cette garantie : «
La Constitution garantit comme droits naturels et civils… ». Par conséquent, la
Garantie a pour but de faire passer les droits naturels (comme les droits
civils) constatés par la Déclaration dans le Droit constitutionnel positif. 3.-
On aboutit à la constatation suivante : faisant partie intégrante du Corps de la
Constitution, la Garantie tombe avec la Constitution elle-même… qui a été abolie
par une Révolution. D’où non-survivance juridique des principes de 1789. Par
ailleurs, les principes déclarés contiennent des formules trop vagues pour
pouvoir acquérir force juridique. On sait que la règle de droit pour être
applicable, doit avoir un minimum de précision. L’abstraction des droits vient
notamment du caractère universel de la Déclaration de 1789 qui, ne l’oublions
pas, s’adresse à l’Homme de tous les temps et de tous les pays.
CONCLUSION : Le problème de la valeur de la Déclaration de 1789 était pour toutes ces raisons demeuré en suspens de 1875 à 1946 sous la Troisième République Française.
(À suivre)
CONCLUSION : Le problème de la valeur de la Déclaration de 1789 était pour toutes ces raisons demeuré en suspens de 1875 à 1946 sous la Troisième République Française.
(À suivre)
LÊ MỘNG NGUYÊNMembre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer, Auteur-Compositeur, Juriste et politologue, ancien avocat à la Cour de Paris
*V. « La signification politique de la Constitution et son évolution de 1789 à nos jours » in ĐL No 149 Déc. 2013, p.13
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